Au cours d’une lecture très récente, je suis encore tombée sur cette expression « garçon manqué ». Un brin féministe dans l’âme, ce terme me révolte. D’autant plus que je rentre totalement dans le concept auquel il renvoie. Pourquoi ? Pourquoi s’acharne-t-on à utiliser ces deux petits mots pour désigner une fille qui n’est pas pas conforme aux stéréotypes des genres. Les gens qui l’utilisent ont-ils conscience de ce qu’ils expriment littéralement?
Ce que j’entends aujourd’hui et que mon inconscient a dû intégré très tôt, c’est que je ne suis pas une fille (puisque je suis un « garçon ») mais que je ne suis pas non plus un garçon (puisque je suis « manqué »). Pour la construction de son identité et de sa confiance en soi, merci bien… Que suis-je ? Qui suis-je ?
Je prends d’autant plus à cœur cette expression que mes parents ont eu deux filles, ma (petite) sœur et moi (logique). Ils n’ont eu QUE des filles. Ils leur a « manqué » un garçon. Je fus donc ce « garçon manqué ». Ce mieux que rien. Vous me direz que c’est toujours mieux que « moins que rien ».
J’étais presque un garçon, mais je n’étais pas un garçon. Ce petit truc qui manquait était source que beaucoup de frustration. Surtout chez mon père, et chez son père (mon grand-père donc) qui n’avait pas d’autre petits-fils (de vrai petit-fils). J’ai donc pris l’habitude de viser la perfection (par choix, par obligation ?) pour compenser. Un 9/10 à l’école n’amenait pas de félicitations mais des reproches sur l’erreur qui était responsable de la non-perfection.
J’ai grandi avec cette ombre et aujourd’hui j’en souffre encore. Je vise toujours très haut (pour plaire à mon père ?…) et quelque soit le résultat je n’en suis jamais satisfaite. Si je rate, c’est normal, je ne suis que moi, c’est à dire pas grand chose. Si je réussi, c’est normal, d’autres en sont capables aussi. Chaque échec me touche personnellement, profondément, tandis que je suis incapable d’apprécier à sa juste valeur une réussite.
Petite, j’aimais jouer aux petites voitures, au foot, aux legos et n’avais aucun problème à me salir les mains ou les vêtements, ni à grimper dans les arbre. Et en plus je détestais les poupées. L’ai-je fais par penchant naturel ? Ce qui expliquerait que ce fut moi le garçon manqué de la famille et non ma sœur (c’est pourtant elle qui ne fut encore « pas un garçon »). Où ai-je été influencée, dirigée vers ces activités de manière à les apprécier par la suite. Surement un peu des deux… A coté de ça, j’ai porté des jupes, des robes, du rose avec plaisir. J’ai même fais de la danse pendant 9 ans et j’ai aimé ça ( sans pour autant être très douée mais ceci est un autre sujet).
Alors que suis-je ? Qui suis-je ?
J’avoue qu’à 30 ans je me pose encore (beaucoup trop) la question. A l’âge où les femmes se remettent à jouer à la poupée (une vraie ! qu’elles ont faite elles-même, comme des grandes !), la question de ma féminité trouve difficilement ses réponses.
Ce qui est sur, c’est qu’aujourd’hui je me bats contre les stéréotypes genrés car j’en ai souffert et en souffre encore. J’ai profondément besoin de faire reconnaitre qu’une fille est aussi bien qu’un garçon. Saviez-vous que le bleu est pour les garçons car c’est la couleur du ciel donc des dieux et des rois, alors que le rose est pour les filles car c’est la couleur de la peau des bébés et qu’ainsi on ne leur demandent surtout de ne pas grandir, ni de s’émanciper ?
Je suis une professionnelle du bâtiment et de la construction. Milieu machiste par excellence. Je m’y plais mais par défaut je n’y ai pas ma place, je suis jugée incompétente. Alors que justement non. Si je suis là, c’est que j’ai particulièrement dû faire mes preuves et que donc je suis qualifiée. Pourtant à quasiment à chaque nouvelle rencontre sur le terrain, je suis testée (et heureusement approuvée !). D’un coté, ça me gonfle et d’un autre, je jubile suis contente de leur prouver que je suis tout à fait capable. Aussi bien qu’un homme et même mieux que certains.
J’aime défier les hommes, leur prouver que je suis leur égale tout en leur affirmant bien que je suis une femme. A contrario les femmes qui se complaisent dans les stéréotypes féminins m’agacent. Elles sapent mon travail de la reconnaissance de la valeur de la femme. Nous avons des différences naturelles et biologiques que je ne nie absolument pas, c’est un fait. Mais je rejette totalement les différences culturelles imposées par la société afin que l’homme domine la femme. Nous sommes différents mais complémentaires. L’homme n’existerait pas sans la femme (et réciproquement, je suis d’accord). Notre valeur est égale, nos personnes doivent l’être aussi. Si du temps de la préhistoire les tâches étaient partagées entre hommes et femmes, c’était pour mieux faire équipe. Mais notre mode de vie à bien changer depuis, il n’y a donc aucune raison que notre mode de pensée et d’agir n’en fasse pas autant. Nous devons toujours faire équipe. Les règles du jeu ont évoluées, la répartition des rôles des équipiers doit en faire tout autant.
Ce qualificatif de « garçon manqué » a détruit une partie de mon estime propre. Heureusement, je suis de nature rebelle (oups, c’est pas féminin ça) et j’ai fait de cette désignation péjorative un moteur de volonté pour démontrer que ceux qui l’utilisent se trompent.
Je refuse d’être un garçon manqué, je veux être une femme accomplie.
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